Les conférences 2024-2025
» La stratégie de l’autruche ou la fabrique de l’aveuglement «
Serge Tisseron, psychiatre
Comment est-il possible que nous sachions une chose, et qu’en même temps nous nous comportions comme si nous ne la savions pas ? Et comment cela peut-il concerner non seulement nos opinions sur le monde, mais même la relation que nous avons avec nous-mêmes ? Cela ne serait pas si grave si les conséquences n’étaient pas souvent dramatiques. Alors, comment en sortir, ou plutôt, comment faire en sorte de ne pas nous y installer ? La logique de l’aveuglement nous concerne tous. Heureusement, il existe des moyens de l’éviter.
La crise du Covid, la surprise de la guerre en Ukraine et le réchauffement climatique ont montré à quel point nous sommes capables de croire à la réalité qui nous arrange même si de nombreux signaux devraient nous alerter : c’est le syndrome de l’autruche. Dans un premier temps, nous nous aveuglons parce qu’une situation survient si brutalement qu’il nous semble impossible d’y faire face. Nous demandons plus de temps. Parfois nous parvenons à accepter progressivement la réalité, mais d’autres fois nous nous enfermons dans le déni. D’abord en privilégiant tout ce qui paraît conforter notre représentation du monde et en ignorant tout le reste, et puis très vite en nous rapprochant de ceux qui pensent comme nous. Et aujourd’hui avec les réseaux sociaux, c’est facile. C’est ainsi que nous nous retrouvons enfermés dans des bulles qui nous préparent à adhérer à des théories complotistes parfois abracadabrantes mais qui paraissent donner enfin du sens à un monde qui nous en semble souvent dépourvu. Serge Tisseron décrypte cette fabrique de l’aveuglement, qui empêche les sociétés et les individus de répondre de façon adaptée aux crises aussitôt qu’elles se présentent, et de les surmonter dans les meilleures conditions. Il nous montre aussi combien un déni en prépare d’autres. À tel point qu’à chaque fois que nous levons notre aveuglement sur une situation, nous nous préparons à éviter de nous aveugler sur une autre. Mais c’est d’autant plus difficile que le déni ne concerne jamais seulement la représentation que j’ai du monde, mais aussi celle de la place que j’y occupe. Autant dire qu’il est plus facile de prévenir les dénis que de convaincre ceux qui s’y sont enfermés d’en sortir. Alors, comment un déni s’installe-t-il ? Quelles en sont les diverses phases ? Peut-on être dans le déni d’une partie de soi ? Et surtout, comment en sortir ?